Holochain : ceci est une révolution
Que celle qui n’est jamais allé à une conférence simplement parce que le titre l’intriguait lève la main. Ok, c’est peut-être juste moi et mon #addictionconf, mais l’appel de « Fabmob et Holochain », le 10 décembre a été plus fort que la grisaille hivernale. Et les thèmes abordés, loin du kamoulox techno, ont fait turbiner les cerveaux plus vite qu’un serveur en surchauffe.
J’ai donc mis en forme les notes que j’ai prises de l’intervention de Jean-François Noubel, membre de l’équipe Holochain, afin de les partager et de continuer la discussion sur ce nouveau protocole/philosophie/modèle de société qui se cache derrière « Holochain ». A ce stade vous vous apercevez sans doute que le titre était ma première tentative de clickbait… restez quand même, on va s’amuser.
Un objectif simple : faire mieux que l’argent
L’aventure début en 2004, autour d’une réflexion sur les monnaies complémentaires. Actuellement, l’argent est l’élément déterminant des échanges, et ne laisse pas le choix de ses usages : il est indispensable pour évoluer dans nos sociétés. De plus, la théorie économique repose sur le postulat de la rareté, ce qui est un schéma très limité.
Si l’on regarde du côté de la nature, on voit que tout est économie et échange, même au sein de notre propre corps : mais cela ne passe pas par le simple mode « one size fits all » de la monnaie. Au contraire, les être vivants utilisent le principe de la composabilité, comme l’alphabet : on part d’éléments communs pour construire quelque chose. Peut-on s’inspirer de ce fonctionnement pour proposer des technologies d’échange permettant aux gens d’avoir le choix ?
Les trois étapes de l’intelligence collective
- L’intelligence collective originelle
C’est le mode de fonctionnement social pour lequel nous sommes optimisés, celui du petit groupe. Tous les échanges se font directement, en face à face. Au fur et à mesure, les groupes se sont étendus, séparés, et l’oralité ne suffisait plus. On a alors inventé l’écriture, dont la monnaie n’est qu’un type.
2. L’intelligence collective pyramidale
Le principe de Pareto indique que la rareté de la monnaie entraine sa concentration : ceux qui en ont peuvent investir facilement et en avoir encore plus, ceux qui n’en ont pas restent en bas. Nous nous trouvons dans une phase ultra pyramidale.
3. L’intelligence holomidale
C’est l’objectif d’Holochain : inventer de nouveaux formats relationnels via l’usage de l’open source et la distribution. La propriété perd de son sens au profit de la notion d’usage.
Holochain vs Blockchain : game on!
En 2008, le ou les inventeurs de la blockchain veulent répondre à la problématique monétaire en éliminant le tiers de confiance (l’Etat qui émet la monnaie). Ils pensent un système reposant sur le consensus : toutes les données sont dupliquées chez les utilisateurs, ce qui est extrêmement énergivore. Les crypto monnaies, bien que très marginales, consomment déjà 0,2% de l’électricité mondiale. Nos cellules, elles, ne fonctionnent pas par consensus, sinon les êtres humains seraient des soleils à cause de toute l’énergie qu’ils consumeraient.
Holochain part de ce constat (et de cette envie partagée de décentralisation) pour développer des DAPS (Distributed Applications) fonctionnant sur un système pair à pair user-centric, sans mining.
Un exemple low-tech : un jeu d’échec avec Holochain
Chaque joueur a un carnet et un crayon, et note le coups qui vient d’être joué. Chacun signe le carnet de l’autre, et des arbitres sont désignés également pour signer chaque carnet et s’assurer qu’il n’y a pas de triche ou désaccord. Une fois la partie finie, le joueur déchire une copie de la page et distribue au hasard les morceaux aux arbitres.
Traduction technique : L’application encrypte le coup et crée un hash, une empreinte digitale unique obtenue par algorithme. Chacun signe le hash du coup et le hash des règles. Tout est ensuite distribué dans un DHT (Distributed Hash Tab).
Holochain so far
L’équipe a lancé début 2018 une campagne de crowdfunding pour les holoport , des mini serveurs permettant une distribution en peer to peer. Ensuite, une ICO (Initial Community Offering) a permis de réunir 30 millions de dollars pour lancer la construction de l’infrastructure, tout en évitant les whales (personnes qui raflent tout pour revendre à profit). Le système repose pour l’instant sur Ethereum, et les token seront à l’initialisation d’Holo transformés en holofuel, qui est une écriture comptable.
Ma conclusion
Je ne suis pas sûre d’avoir complètement compris ce qu’était Holochain… C’est sans doute impossible en une petite heure. Et en l’absence de connaissances approfondies en architecture web, cryptographie et tutti quanti, il est difficile de se faire un avis sur la faisabilité et les apports techniques réels de Holochain. Mais ce qui émerge de l’intervention de Jean-François Noubel, c’est justement que la technique… ne se limite pas à la technique. Les infrastructures, qu’elles soient sociales ou technologiques, structurent nos rapports humains, et nous avons tendance à nous en accommoder plus qu’à les remettre en question.
Ce que je retiens du discours (parfois un peu prophétique) autour d’Holochain c’est : « Internet n’a pas tenu sa grande promesse de décentralisation, allons jusqu’au bout de cette logique pour créer de nouvelles communautés ».
Utopique ? C’est assumé. A suivre ? C’est sûr.